vendredi 15 mai 2015

La vie en noir et blanc

Le bon côté des antidépresseurs (hormis la phase d'adaptation qui est affreuse voir insupportable) est qu'ils aplanissent les émotions. Mais ce bon côté est aussi le mauvais car si ils réduisent l'amplitude des émotions négatives, ils appauvrissent aussi la puissance de celles qui sont positives.
Parfois, dans mes périodes philosophiques, je me dis que finalement, ce médicament me rend banal, me met dans la peau de monsieur tout-le-monde devenant ainsi une personne sans émotions, n'opposant donc finalement aucune résistance à la vie que les dirigeants veulent que nous ayons tous. Car finalement, ces "crises" que je ne peux contenir parfois ne sont rien d'autres que des rejets de ce que le monde moderne nous impose. Inconsciemment je rejette cette façon de gagner ma vie qui fait de nous des fourmis juste bonne à travailler et à se taire voyant les uns et les autres tomber, ou cet quidam qui suit son train-train travail-enfants-dodo. Mais là je psychote sur une improbable machination mondiale...
Dans mon "malheur" j'ai la chance de ne pas prendre de surdose, ce qui fait que parfois, de belles émotions se faufilent et arrivent à traverser les nuages gris. C'est à ce moment que je me rends encore mieux compte à quel point la vie peut être belle. Quand le simple fait de contempler la nature me rend heureux ou de me rendre compte de la chance que j'ai d'avoir cette simple vie (car une vie simple est ce que je veux vivre), cela me remet les pieds sur terre et me permet de mieux m'imprégner de ce privilège que j'ai d'être simplement là où je suis avec ceux qui m'entourent.
Ce médicament aura eu finalement le grand avantage de m'ouvrir les yeux sur les choses réellement importantes. J'ai de moins en moins de besoin, je me nourris de simple chose. L'argent, même si j'en ai besoin et même si cela me rassure d'avoir une petite réserve, n'est plus ma priorité. Pire (ou mieux je ne sais pas encore), je culpabilise à m'acheter ces petites choses qui me donnaient auparavant tant de plaisir (était-ce donc futile?!?). Même si se faire plaisir fait parti des petits objectifs de la vie, cela m'a permit de me réorienter car seules les émotions vraiment puissantes arrivent à surpasser "l’atténuateur-émotionnel" que sont les antidépresseurs. Les émotions parasites ne me parviennent plus, celles qui nous poussent aux achats plaisirs compulsifs (pour accéder à un pseudo bonheur, éphémère donc).Quand je ressens donc de belles émotions, c'est qu'elles sont puissantes, c'est que je suis dans le vrai, c'est que je deviens celui que je veux devenir...

Illustration : issu du film "The giver", film dans lequel les habitants prennent quotidiennement un médicament pour éradiquer toutes émotions permettant ainsi de contrôler ce peuple...

2 commentaires:

  1. Bonjour Cédric,

    J’avais déjà lu un témoignage quasiment identique au votre qui disait qu’avec des AD ont étaient un peu comme « anesthésié », que les émotions positives ou négatives étaient moins puissantes et que du coup la vie paraissait parfois plus fade.
    A l’époque cela m’avais un peu effrayé car l’idée d’être « chimiquement lobotomisé » me rebutait.
    Heureusement il y a 3 ans lorsque j’ai pris mon traitement, je n’ai rien ressenti de tout cela mais plutôt un retour a la vie normale.
    Même si on peu s’interroger sur le sens d’une vie normale !

    Je suis assez d’accord avec vous lorsque vous dite que la vie moderne fait de nous des fourmis ou de bons petits soldats juste bon a travailler dur pour consommer toujours plus.

    Pierre Rabhi disait :
    « Nous ne vivons pas, nous sommes conditionnés, manipulé pour n’être que des serviteurs d’un système. »

    Il a raison a 2000%

    Tous comme vous, il m’arrive parfois de prendre un peu de hauteur et d’observer le monde fou dans lequel nous vivons.

    Le plus navrant après ce constat, c’est que je ne fais finalement pas grand chose pour changer ma façon de vivre.

    Ex : Dès que la semaine de boulot reprendra, je continuerai de travailler comme un dingue en vue de satisfaire mon employeur et mes clients et tout cela pour gagner un peu de reconnaissance et ma vie afin de me régler mes engagements (emprunt immobilier etc…)
    Bref le cliché quoi…

    Je vous souhaite une bonne semaine, et prenez soin de vous.

    Yannick.

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    1. Malgré cette ouverture d'esprit, cette volonté d'être différent, on est conditionné pour ne pas sortir du chemin. J'aime beaucoup la haute technologie et j'aime m'acheter tous ces gadgets qui servent à rien... du moins j'aimais cela, et maintenant de moins en moins et j'avoue que je savoure chaque victoire sur le marketing. A chaque fois que j'arrive à acheter "utile" et non pas "désire", c'est une victoire. J'utilise mes matériels jusqu'à épuisement. Je ne m'autorise l'achat que quand il est vraiment hors service.
      Idem avec le travail, je découvre le plaisir de refuser le travail! un simple "non je refuse de prendre en charge ce nouveau projet, confiez le à quelqu'un d'autre" est jouissif!

      tcho

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