Première rencontre avec mon frère, découverte totale. Il m'invite chez lui et me présente à sa famille. Je découvre donc sa femme et ses deux filles. Une des deux, 6 ans, est atteinte de cécité depuis la naissance. Je ne suis pas spécialement à l'aise avec les personnes "différentes", j'ai toujours peur de mal faire, ou d'être maladroit (ce qui s'est d'ailleurs passé mais bon, je pense que ses parents ont l'habitude).
La présentation commence par un "t'es qui toi?", phrase qu'elle s'est appropriée puisque certains, sur le ton de l'humour, la surnomme de la sorte. Je lui explique donc que je suis "son tonton" qu'elle ne connait pas encore. La journée se poursuit et la petite me sollicite souvent pour jouer à ses jeux. Nous commençons un coloriage et elle me dit "je vais faire un dessin avec du violet!"... un peu surpris de l'entendre parler de couleur, je joue donc mon rôle et dessine avec elle, elle toujours très naturel et finalement pas si différente. Elle me prend ensuite la main pour me diriger vers le canapé, toujours dans une mouvance qui ne laisserait pas penser qu'elle ne voit que la pénombre puis me dit toujours aussi naturellement "on regarde la télé?"... là j'avoue être un peu déstabilisé mais je la laisse faire et constate qu'elle tend l'oreille pour "regarder" son dessin animé. Tous ses sens sont en éveil pour combler celui qui ne fonctionne plus. Elle part ensuite jouer dans le jardin à cache-cache avec mes enfants, puis remonte dans sa chambre à l'étage, elle vit simplement comme on le fait tous. Mieux, elle ne se plaint de rien et elle est pleine de vie...
J'ai depuis l'enfance de fortes acouphènes qui parfois m'obsèdent et m'amènent à des états de stress aigu. Cela fait trente ans que ces sifflements et ces bourdonnements accompagnent mes nuits, heureusement la journée le bruit ambiant les couvre, mais le soir, quand le silence se pose, c'est la symphonie disharmonieuse. Suite à la rencontre avec cette petite, je culpabilise désormais de me plaindre intérieurement quand je me dis "foutue sifflement!". Même si l'âge est venu pour moi de porter des lunettes, car je commence à voir flou, je peux lire, contempler, regarder le visage de mes enfants... cela parait pourtant tellement banal mais finalement c'est un privilège.
On se dit trop souvent qu'il y'a toujours mieux, mais il y'a aussi toujours pire. Et ce qui est encore plus surprenant, c'est que ces personnes pour la plupart, croquent la vie! Pendant que nous, nous plaignons ;-)
Illustration : ce que voit ma nièce, juste les fortes sources lumineuses.
jeudi 11 juin 2015
vendredi 5 juin 2015
La vie, la mort.... les émotions
Lors d'un week-end, je reçois un appel d'un membre de ma famille pour me dire qu'une de mes tantes, habitant proche de chez moi, ne donne plus de nouvelles. Elle ne décroche plus le téléphone et cela depuis plusieurs jours. Je suis donc missionné pour aller voir ce qui se passe.
Arrivé sur place, je frappe à sa porte, pas de réponse, ne serait-ce qu'une réaction dans la pièce principale de son petit apparemment. J'insiste, toujours rien, je clenche, porte fermée et toujours aucun mouvement. Au début je crois entendre une discussion mais ce n'est finalement que la télévision. Je fais le tour de l'appartement situé au rez-de-chaussée. Tous les volets sont fermés... à l'exception d'un qui tenait juste avec le loquet.Etant fumeuse, elle avait l'habitude de laisser ses fenêtres et volets entre-ouverts pour évacuer les odeurs, ce qui fut le cas ce jour. J'ouvre donc et l'appel d'un simple "t'es là?" Toujours aucune réponse. Ce jour là, il faisait beau et le soleil brillait. Mes yeux peinaient à s'adapter à la pénombre de la pièce qui s'ouvrait à moi.... jusqu'au moment où je vois sur son lit son corps allongé, comme endormi. Toujours sous l'effet de l'éblouissement, je l'appel aveuglément "hé, réveilles toi! hé ho!". Finalement la persistance rétinienne s'estompe, mes yeux s'accoutument à l'obscurité et les détails de la scène s'affinent et se révèlent, je finis par comprendre que le corps gisant est dépourvu de vie. La suite : appel des secours, intervention des pompiers, gendarmes, médecins et enfin pompe funèbres (je passe l'interrogatoire que j'ai subi car mort suspecte et donc enquête ainsi que le comportement (rires et autres blagues) des différents intervenants pour qui ce qui se passe n'est qu'une journée de travail ordinaire... mais je ne leur en veux pas, je les comprends même, c'est juste déroutant).
Cette tante a une histoire, celle d'une petite fille adoptée par mes grands-parents et donc élevée avec moi qui ai passé une grande partie de ma jeunesse chez eux. J'ai beaucoup de souvenirs avec elle et mes enfants l'aimaient beaucoup. J'avais beaucoup de plaisir à l'inviter à mes repas de famille...
Mais alors pourquoi ne suis-je pas plus triste que ça? J'étais perturbé, je m'endormais en pensant à elle et elle apparaissait dans mes rêves, mais aucune larmes ne me venaient.
S'ensuivent les cérémonies funéraires. Effusions de larmes et de tristesses, des adieux très difficiles de part la mise en scène de l’événement, le choix des musiques et des discours, tout était réuni pour la naissance des émotions... d'ailleurs certains craquent inhabituellement (membre de ma famille "à la larme difficile" et même une personne des pompes funèbres qui pleure en cachette!), mais moi toujours rien... je suis attristé bien sure, mais pas effondré, je ressens ce manque qui ne sera plus jamais comblé, comme pour toute longue séparation, mais la page se tourne vite, du moins, je crois, je l'explique comme cela.
Les cendres sont ensuite répandues au jardin des souvenirs de ma commune et cette fois c'est la fin. Son corps et son âme n'existent plus, ce n'est pas un cauchemar, c'est la réalité, ce qu'elle fut n'est plus.
Au jour de cette écriture je suis au lendemain de cet épisode tragique, j'ai pour habitude de tester mes émotions au travers de la musique, malgré la tristesse de celles choisies, je repense à elle avec joie et plaisir, ses petites bêtises d'enfants, ses petites anecdotes, tout ce qui faisait sa vie me revient et me donne du bonheur. D'ailleurs ce matin, je me sens envahi de joie, encore plus déroutant pour quelqu'un qui se demande pourquoi il n'est pas si triste.
Je pense qu'elle aurait préféré cela... je me dis peut être cela pour me rassurer...
Illustration : pendentif que je voyais accroché à son cou pendant mon enfance, il y'a plus de 30 ans... je le conserve en héritage...
Inscription à :
Articles (Atom)