Cela fait déjà trois fois que je viens dans ce magasin (situé à environ 30 km de chez moi), la première fois pour commander la pièce, la deuxième, je viens par erreur (le vendeur m'ayant confondu avec un autre client) et là donc, troisième fois que j'y retourne car averti de la livraison pour m'apercevoir que le grossiste s'est trompé dans la commande. Le vendeur me présente, ou plutôt me jette sur le comptoir, un sachet n'ayant rien à voir avec la pièce que j'attendais...
Comme à son habitude le vendeur ne semble pas embarrassé, aucune excuse, pas une once de "compassion"... je ne demande pas grand chose, juste un mot pour me faire comprendre qu'il est désolé, l'erreur est possible pour tout le monde. Si je fais le calcul, cette pièce à 25€ m'a fait faire 300km! (au total j'y serais allé cinq fois!). Je suis vraiment motivé à faire mon maximum pour ne plus m'agacer d'un rien, pour ne plus me laisser aller à l’énervement, après tout, est-ce si grave?!? Je pense que pour mon bien personnel (et celui de ceux qui m'entourent), relativiser sur l'importance des choses et les minimiser au maximum permet de vivre plus calmement, plus sereinement. Mais tout de même, quelle est la limite de la sérénité? Certains écrivent "bon" avec un "c". Je veux bien me rabaisser un peu, si cela peut arranger les choses, faire en sorte qu'elles se passent pour le mieux....mais pas jusqu'au manque de respect ou de considération.
L'exaspération commence à prendre le contrôle de mes pensées, je lâche donc "ça commence à me saouler de venir pour rien" sur le coup de la colère et aussi un peu pour titiller la "bête" ou encore par provocation, pour quémander un brin de reconnaissance . Le vendeur, fidèle à lui même me répond instinctivement que si je ne suis pas content je peux aller voir ailleurs, qu'il n'a pas le temps de s'énerver avec un client. Je ressens dans sa façon de parler une habitude vue son aisance dans la hargne qu'il manifeste, une lassitude face aux plaintes régulières qu'il doit recevoir vu son accueil. Toujours aucune considération concernant l'erreur dont je suis la "victime". Aucune proposition d'arrangement (m'envoyer la pièce rapidement? un mois que ça dure...).
En essayant de respecter "mon pacte de sérénité", je reprends mon calme et lui propose de refaire la commande avec lui. Il me demande à nouveau les références de la machine car "on ne conserve pas toutes les références des machines de tous nos clients". Evidemment, je n'ai plus ces documents sur moi... je préfère partir avant de devenir vulgaire (la vulgarité, un des traits de caractère de mon "passager noir" (comme dirait Dexter!), mon gros défaut quand je suis sous l'effet de la colère...).
A vrai dire, j'avais déjà eu à faire à cet énergumène. Je ne sais pas pourquoi mais j'aime m'y confronter (lui ou tout autre personnalité compliquée, difficile, intrigante..). Je ressens le besoin de creuser de force. Toute relation est source de réflexion. Les bonnes comme les mauvaises. J'aime comprendre pourquoi les gens sont comme ils sont, j'aime transpercer leurs carapaces pour les entrevoir à nu ou encore imaginer les vies qu'ils ont subit (car pour devenir comme cela, on ne vit pas la vie, on la subit!)
Je ne pouvais pas rester sur cet accrochage. Ce n'est pas la finalité que j'aime obtenir. L'après midi j'y retourne à nouveau avec les références de ma machine et je repasse la commande. Je tente une nouvelle approche en me justifiant à nouveau concernant la raison de mon emportement, histoire de tourner la discussion plus dans un mode "perso" que "pro". A ce moment, après quelques secondes de réflexion comme pour s'élancer avant un effort, il m'avoue qu'il s'était énervé injustement. Même si cela ne justifie rien, c'est déjà un début de sincérité émanant de derrière l'armure triple épaisseur. Le tout malgré cela, sans le moindre clignement d’œil ou froncement de sourcil, celui que nous avons tous quand nous nous ouvrons aux autres. Il ne pouvait pas faillir non plus à sa réputation d'homme bourru!
Au final j'obtiens quand même ma pièce avec un petit "merci et bon week-end" de sa part.
Une semi victoire pour moi, celle d'avoir réussi à entrouvrir la boite de pandore, avec insistance quand même, et en ayant au final un petit peu dompté les démons qui y étaient cachés...
Illustration : cette #&$*§@ de pièce à la #$ù!